La Pologne a engagé un plan de modernisation de ses forces armées qui prévoit une enveloppe de 40Mds€ sur la période 2013-2022 pour notamment renouveler sa flotte de sous-marins, acquérir hélicoptères et drones et se doter d’une défense aérienne. La part du PIB polonais alloué à la défense est l’une des plus importantes des États membres de l’UE (1,95% du PIB en 2013, soit environ 8Mds€). Le ministre polonais des Affaires étrangères Radoslaw Sikorski déclare en juin 2014: « Un contingent renforcé de militaires américains et européens doit être déployé en Pologne ». La Pologne, un acteur de la défense européenne: cette série issue du dossier stratégique de la lettre de l’IRSEM 3-2014 est publiée sur notre site avec l’aimable autorisation de Barbara Jankowski que nous remercions très chaleureusement. Une traduction en polonais a été réalisée par le Centre de Civilisation Française et d’Etudes Francophones.
Par Colonel Ryszard Niedzwiecki et Colonel Krzysztof Ostrowski, Académie de la défense nationale
L’adaptation de la formation et de la préparation des élites militaires
polonaises aux bouleversements intervenus au cours de vingt-cinq dernières années
Les premières années de transition
Au début des années 1990, les forces armées polonaises disposaient d’un vaste système de formation militaire adapté aux besoins de près de 300 000 militaires. Parmi les différents types d’écoles, il y avait cinq académies militaires et onze écoles d’officiers. Pratiquement toutes les armées et services avaient une école de spécialité. Ces écoles répondaient à des normes qui s’écartaient de celles de l’enseignement supérieur civil. C’était le résultat de règles propres à l’enseignement militaire supérieur permettant de nommer au poste d’officier du corps professoral, des militaires qui ne possédaient pas les diplômes et titres universitaires appropriés. Ainsi, malgré le fait que ces écoles militaires aient fonctionné pendant plus de vingt ans, leur potentiel scientifique était faible et limité. La pénurie de personnel qualifié notamment en matière de recherche était compensée en faisant appel aux universités civiles. L’éducation militaire en Pologne comportait également 21 écoles militaires d’adjudants, 19 écoles de sous-officiers, des écoles d’élèves officiers de réserve et des centres de formation pour les militaires du rang. Il y avait aussi huit lycées militaires préparant les candidats aux carrières militaires.
La réorganisation de l’enseignement militaire en 1990-1999
Les premiers changements ont été introduits dans le système d’éducation militaire en 1990 avec la dissolution de l’Académie politique militaire. L’Académie militaire de l’état-major a été transformée en Académie de la défense nationale. Les écoles militaires de la défense chimique à Cracovie et du génie à Wroclaw ont été regroupées pour créer l’École du génie militaire à Wroclaw.
À la suite de ces réformes successives des années 1990, le nombre d’écoles militaires a diminué de moitié. Seules quatre académies et quatre écoles militaires sont restées après la réforme. Le nombre d’écoles militaires d’adjudants a été réduit de moitié passant de 21 à 11 et les écoles de sous-officiers sont passées de 19 à 10. Tous les lycées militaires ont été supprimés à l’exception du Lycée militaire de l’Armée de l’air à Deblin.
Les changements des années 2000-2010
En 2000, le Département de l’enseignement et de la formation militaire du Ministère de la défense nationale a conçu une réorganisation de l’enseignement militaire qui supposait la suppression, à l’horizon 2006, de toutes les académies et écoles militaires. En remplacement, il était prévu de mettre en place une université intégrée – l’Université de la défense nationale à Varsovie – regroupant l’Institut stratégique, l’Institut technique et localement l’Institut médical à Lodz, l’Institut de l’Armée de terre à Poznan, l’Institut de l’armée de l’Air à Deblin et l’Institut de la marine à Gdynia. Ce projet n’a finalement pas été mis en oeuvre.
En décembre 2003, le Département des ressources humaines de la défense nationale a préparé une nouvelle réforme de l’éducation et de la formation des élites militaires polonaises avec trois variantes. Dans la première, la structure et les tâches de l’éducation militaire restaient inchangés. Dans la deuxième, on créait un institut de la marine à l’Académie de la défense nationale. La troisième variante prévoyait de transformer toutes les écoles militaires et l’Académie de la marine en centres de formation. L’Académie technique militaire devenait une université civile et la faculté de technologie était incorporée à l’Académie de la défense nationale. Cette réforme non plus n’a pas été mise en oeuvre.
Avec l’entrée en vigueur de la loi sur l’enseignement supérieur, en septembre 2005, on a commencé à travailler de nouveau sur l’évolution de l’enseignement militaire. Cette loi a aboli la séparation de l’enseignement militaire et civil par l’introduction de normes homogènes. Encore une fois est réapparue l’idée de la création d’une Université de la défense nationale.
L’Université serait formée de la fusion des académies militaires existantes. Le plan comprenait l’emploi, à l’Université de la défense nationale, d’environ 1100 enseignants et chercheurs, dont 120 avec le titre de professeurs, 140 profes-seurs associés et 600 docteurs. L’Académie couvrirait 22 spécialités, avec la possibilité de délivrer l’habilitation à diriger des recherches dans 13 disciplines et le doctorat dans 18 autres. Le manque d’acceptation de cette réforme par les autorités du ministère de la défense a fait que la réforme a été de nouveau rejetée. En 2007, on a adopté une variante en conservant trois académies et deux écoles militaires qui ne ré-pondent pas aux exigences de la loi sur l’enseignement supérieur. Une inspection effectuée à l’époque par la Chambre suprême de contrôle a constaté que la situation du personnel enseignant était insatisfaisante. Seulement 35 militaires sur 280 enseignants (professeurs et professeurs associés) étaient employés dans les écoles militaires. L’enseignement dans les académies militaires reposait donc sur du personnel civil, y compris de nombreux officiers de réserve, ayant dû quitter l’uniforme en raison de restrictions budgétaires. Ainsi, des postes occupés jadis par des colonels étaient attribués à des personnels civils sans expérience ou à des militaires moins gradés. De nombreux officiers avec des ti-tres scientifiques ont dû ainsi partir à la retraite.
En 2002, en liaison avec la suppression du corps des adjudants, on a fermé toutes les écoles militaires d’adjudants. Deux ans plus tard on a fermé les écoles d’élèves officiers de réserve. On a également diminué de 10 à 8 le nombre d’écoles de sous-officiers. En décembre 2010, 3 des 4 écoles de sous-officiers de l’Armée de terre ont été supprimées. Une seule restait à Poznan. Finalement, seulement 4 des 8 écoles de sous-officiers ont survécu, subordonnées aux centres de formation.
Les plans actuels de développement de l’éducation militaire
Le plan du ministère de la défense nationale de 2010 conservait le même nombre d’académies et d’écoles militaires, mais transformait l’École militaire de l’Armée de terre et l’École militaire de l’Armée de l’air respectivement en Académie militaire de l’Armée de terre et en Académie militaire de l’Armée de l’air. Cela signifiait l’abandon de l’idée de créer d’une académie de niveau universitaire et le maintien de l’enseignement militaire supérieur au niveau de celui en cours dans les écoles professionnelles civiles, le niveau 1 du système de Bologne.
Les nouveaux projets de la réforme de l’enseignement militaire proposés par le ministère de la défense en mars 2011, ont été suspendus par le président Bronislaw Komorowski qui n’a pas signé la loi portant création de l’Académie de l’armée de l’air.
Le projet de développement des Forces armées polonaises jusqu’en 2022 prévoit la consolidation de l’éducation et de la formation militaires et la création sur la base de l’Académie de défense nationale et de l’Académie technique militaire de 2 écoles militaires au lieu des 5 académies actuelles.
L’Académie de la défense nationale comme l’Académie de la sécurité nationale prépareraient les officiers à occuper des postes supérieurs dans les forces armées et au ministère de la défense ainsi que le personnel civil pour toutes les insti-tutions qui s’occupent de la sécurité nationale. D’autres écoles militaires doivent être transformées en centres de for-mation des forces armées, d’un rang inférieur.
S’agissant de la teneur de la réforme, les changements dans le système d’éducation militaire visaient non seulement à améliorer le niveau de formation, mais aussi à l’adapter aux nouveaux défis de l’armée polonaise : l’entrée dans l’OTAN, la coopération militaire avec l’UE, les missions en Irak et en Afghanistan. La préparation aux missions en Irak et en Afghanistan s’effectuait au cours de formations spécialisées à l’Académie de la défense nationale ou dans les écoles militaires et le retour d’expérience a été utilisé pour adapter les programmes de formation.
Notes de bas de page :
1. En polonais, Wyższa Szkoła Oficerska.
2. L’Académie politique militaire préparait les officiers responsables de la mise en oeuvre des idées marxistes dans l’armée polonaise.
3. Règlement du Conseil des ministres du 21 mai 1990 relatif à la création de l’Académie de défense nationale et des officiers, de l’École du génie militaire et à la suppression de l’Académie politique militaire Dz.U. 1990 № 37, poz. 208.