Le Triangle de Weimar vient de fêter son 25ème anniversaire, un fait passé inaperçu dans les trois pays concernés : France, Allemagne, Pologne.
Le 28 et 29 Août, dans la ville de Weimar où fût signé le traité fondant le Triangle de Weimar, les Ministres des affaires étrangères Messieurs Ayrault (France), Steinmeir (Allemagne) et Waszczykowski (Pologne), se sont retrouvés pour discuter et célébrer le quart de siècle d’une institution qui continue de se chercher.
Le Triangle de Weimar : une institution en devenir constant
“C’est avec satisfaction et fierté que nous considérons ces 25 dernières années du Triangle de Weimar, qui a servi et sert activement en tant que forum de discussion et de coopération trilatéral entre l’Allemagne, la France et la Pologne pour les échanges au niveau politique et de la société civile,” ont déclaré les trois Ministres lors d’une conférence de presse conjointe à Weimar.
Ils ont ajouté que le Triangle de Weimar est aujourd’hui devenu un important forum d’échange qui sert à renforcer la cohésion de l’Union Européenne élargie.
Pour Josef Janing, directeur du bureau berlinois de l’ECFR (European Council on Foreign Relations), la déclaration commune des trois Ministres à l’issue des festivités tient plus de la tentative symbolique de s’accrocher à quelque chose qui n’a pas de sens opérationnel, pour le moment.
Cependant, Mr Janing et d’autres chercheurs qui se sont penchés sur le sujet ne pensent pas que le Triangle de Weimar devrait être mis aux oubliettes car ce forum de discussion et coopération pourrait potentiellement jouer un rôle d’influence au sein de l’Europe, particulièrement dans un contexte de crises européennes et de Brexit.
Selon Isabelle Maras, spécialiste des questions de sécurité et de défense européenne ainsi que de la politique extérieure de l’Union européenne associée au CIFE (Centre international de Formation Européenne), “les festivités de Weimar sont passées inaperçues à part dans les cercles diplomatiques et des connaisseurs. L’actualité extrêmement chargée peut expliquer en partie ce silence. Cependant, il ne faut pas sous-estimer Weimar et ne pas résumer la célébration des 25 ans à Weimar. Je pense que si le Triangle de Weimar fait une proposition concrète, elle pourrait tout à fait trouver un écho, indépendamment de la célébration.”
Lorsque le Triangle de Weimar a été créé en 1991 par les ministres des Affaires Etrangères Hans-Dietrich Genscher (Allemagne), Roland Dumas (France) et Krzysztof Skubiszewski (Pologne), ses objectifs étaient clairs : reconnaître la réconciliation et les nouveaux liens entre l’Allemagne et la Pologne.
Dû au passé entre Allemagne et Pologne, la France fut associée dès le départ à ce qui allait devenir le Triangle de Weimar – “La France était présente, au début, pour servir de voisin sentimental, de dame de compagnie à la Pologne” selon Bronislaw Geremek, historien et homme politique polonais lors d’une interview en 2008 dans les studios du Conseil de l’Union européenne à Bruxelles.
Mais Geremek, dans cette même interview, ajoute que le Triangle de Weimar était “un instrument politique intelligent, très important, flexible, qui pouvait être utilisé dans l’adaptation de deux côtés de l’Union européenne à l’élargissement et des pays de l’élargissement à l’égard de l’Union européenne.”
Le Triangle de Weimar, dès sa création, n’a pas eu de pouvoirs formels : la volonté de ses fondateurs était de créer un forum de rencontre, de dialogue et d’échanges informels entre ces trois pays.
N’ayant pas de pouvoirs politiques, ce Triangle peut sembler un étrange OVNI dans le ciel européen.
Selon Maras, “Weimar, c’est aussi et surtout un échange de société civile et culturel. Il y a, bien sûr, un dialogue politique, mais c’est aussi une coopération culturelle entre jeunes, donc régionale, éducative, universitaire qui marche bien et c’est aussi extrêmement important.”
De nombreux jeunes, chaque année, font des échanges entre ces trois pays, ajoute Isabelle Maras, ainsi que des coopérations décentralisées qui s’occupent de projets Weimar (villes jumelées, échanges…).
“C’était l’idéal de départ ou la source d’inspiration de Gensher [l’un des fondateurs du Triangle], de passer par la société civile et de passer par les jumelages, les échanges de jeunes : c’est un excellent moyen, stable lorsqu’on y travaille vraiment, de lier les gens et de faire connaître les cultures,” dit Maras.
La relance d’un symbole
Malgré ces moyens mis en place pour irriguer ces relations trilatérales, il semble que le Triangle de Weimar, vu de loin, ne soit qu’un symbole.
Les trois ministres des Affaires étrangères, lors de leur déclaration conjointe, ont insisté sur une possible relance du Triangle de Weimar, qui serait le lieu d’une coopération renforcée entre les trois pays.
“Considérant les défis sans précédent auxquels l’Europe fait face, nous estimons nécessaire d’intensifier la coopération et de lui donner une nouvelle impulsion,” ont annoncé les Ministres.
Ce n’est pas la première fois que les trois pays du Triangle de Weimar tentent de relancer ce forum mais les crises successives en Europe et à ses frontières, ainsi que des contextes nationaux différents et préoccupants ont à, chaque fois, donné à ces initiatives restées théoriques, une signification symbolique plutôt que réelle.
Cependant, les experts qui ont accepté de répondre à nos questions sont d’accord pour dire que le Triangle de Weimar pourrait devenir un outil essentiel au sein de l’Europe, particulièrement sur les questions de défense et de sécurité.
Pour Janing, directeur du bureau berlinois de l’ECFR : “la ligne qui rejoint Paris, Berlin et Varsovie trace le cœur de l’Europe en termes géopolitiques et géographiques. Ces trois pays sont très proches sur de nombreux points et presque dépendants les uns des autres mais ont aussi de lourds bagages historiques et donc un grand potentiel pour des désaccords.”
Potentiellement, selon Janing, la France, l’Allemagne et la Pologne pourraient être les architectes de compromis européens sur les questions qui agitent l’Europe s’ils s’accordaient stratégiquement sur le rôle du Triangle de Weimar.
Pour Maras, le Triangle de Weimar est appelé à avoir une plus grande influence au sein de l’Europe de la Défense, surtout dans un contexte de Brexit : “Le Triangle de Weimar vont continuer leurs propositions régulières dans le domaine de la Défense et elles sont appelées à avoir tout autant de poids, et pourquoi pas plus ? C’est une évolution de la dynamique qui est intéressante.”